Trump : la transformation du modèle politique américain ?

La plus grande démocratie du monde. Une nation exportant un modèle politique, démocratique, libéral, aidant au développement et à l’expression de l’indépendance des peuples. L’establishment américain. Le Rouge et le Bleu, les républicains et les démocrates, un bipartisme réputé solide, monopolisant les débats même si l’on a remarqué dès l’élection de R. Reagan, puis les élections de 2004 une montée en puissance du parti conservateur. 

Globalement, tout ceci est désormais remis en cause par la politique de Donald Trump, sur son territoire et la scène internationale. 

Le quasi-culte de la personnalité, médiatique, apolitique qui correspond à l’aura du président américain, a transformé son manque de corpus idéologique en un courant de proclamation politique. Je m’explique, c’est précisément le mode de communication de Trump, son discours évincé de tout sens professionnel politiquement parlant, sa démarche hors de tout enracinement « rouge ou bleu », qui lui a permis à la fois d’être élu, mais aussi d’être accompagné par un cortège de personnalité conservateur, populiste, « jacksonien » diraient certains. Le tout est décrié localement, dénoncé bruyamment, mais ne sait pas déstabiliser la présidence, n’apporte que des occasions pour son représentant d’y apporter des réponses toujours plus singulières les unes que les autres. Le débat démocratique, celui avec les médias, l’autre avec le peuple, est parsemé de censure et de conflit. 

J’ai décidé de prendre pour premier cas illustratif la gestion du flux migratoire imposé par le président américain depuis bientôt cinq mois. 

Approximativement 2000 enfants ont été séparés de leurs parents entre avril et mai 2018, conséquence de la politique tolérance zéro de l’administration Trump. Les parents entrés illégalement sur le territoire américain, accompagnés d’enfants sont systématiquement placés en détention mais séparés des mineurs.

L’application d’un traitement aussi dur ne provient que de la seule interprétation de la loi par le président, protestant notamment contre celle-ci en accusant les démocrates de l’avoir mise en place. La religion est invoquée pour justifier de cette compréhension par la porte-parole de la Maison-Blanche Sarah Sanders mentionnant qu’il est « très biblique de la faire respecter ». En rejetant la faute sur les démocrates, légitimant la séparation très polémique des familles et anéantissant tout consensus chez les républicains, la voix de Donald Trump est la seule résonnante. 

Elle démontre que les clivages politiques sont révolus et se procure une nouvelle forme, éloignée des bases idéologiques initiales recentrées pour la plupart sur un nouveau modèle politique démocratique américain. Elle concerne également l’aura des États-Unis d’Amérique sur la scène internationale qui se retrouve fortement impactée et entache sa crédibilité. 

Pour exemple, l’histoire a été marquée par la démarche américaine lors du sommet de Singapour ; mais la diplomatie engagée par Trump devient incohérente, du moins peu discernable. 

Les alliances traditionnelles de l’Amérique sont mises de côté et se révèlent être remises en question par les acteurs concernés et l’opinion publique. Le sujet de la dénucléarisation notamment, amène le président Trump à surenchérir sur « une détente » et un effacement de la menace nucléaire nord-coréenne. Or, si les menaces peuvent s’évaluer relativement moins importantes dans leur manifestation, elles ne disparaissent pas. En ce qui concerne les tensions provoquées, elles ne sauraient rentrer en compte comme levier de pression lors des négociations, les Nord-Coréens ne se contentant pas d’une « fin de guerre » symbolique mais plutôt de mesures concrètes économiques et diplomatiques. 

Ainsi s’il y a bousculement des « coutumes », il est discursif, théâtral, peu concret dans les faits. En revanche, il brise directement mais surtout de manière assumée avec l’idéologie anticommuniste, ultralibéral, universaliste et démocratique. 

Enfin les alliances les plus légitimes, les amitiés les plus anciennes, entre l’Europe et une Union Européenne à la majorité partie au traité transatlantique et la première puissance mondiale avaient cimenté la démarcation de clan clairement défini, idéologique et politique. C’était effectivement la connivence d’espoir et d’idéaux puis celle de stratégie, politique commerciale et sécuritaire commune. 

Là encore, Trump ne déçoit pas et s’il ne rompt pas complètement avec les accords multilatéraux il modifiera les discours et les représentations américaines de l’Europe. 

Quand Barack Obama parlait « d’exigence » de cohérence, il prévoyait déjà une forme de rupture des relations entre les deux continents. Un sentiment prescient et confirmé avec les prises de position de l’actuel président américain, pressant l’Union européenne sur des sujets commerciaux et militaires. 

On remarque sur ce tweet un opportunisme marqué par l’accaparement du sujet des gilets jaunes, et la preuve que les sujets douaniers n’ont pas été oubliés par Trump. L’OTAN ou d’autres sujets militaires ne resteront pas en marge des prochaines discussions. 

« Peut-être avez-vous besoin d’un regard extérieur, de quelqu’un qui n’est pas européen, pour vous rappeler la grandeur de ce que vous avez accompli. »

Barack Obama prononçait ces paroles lors de l’un de ses derniers discours face aux représentants de l’UE, une Histoire scellant un avenir transatlantique commun, au nom de valeurs mais aussi de mutuels espoirs, c’est le sens que le 44ème président des États-Unis attachait à la coopération des deux régions. Pour une énième fois on conférait aux États-Unis l’étiquette d’éternelle puissance bienveillante. 

En cela Donald Trump rompt une fois de plus avec l’idée que le monde se faisait de son pays, on reconnaît une stratégie en complète opposition avec le modèle démocratique universaliste usuel. 

Ce billet ne sert pas simplement de constat écrit, c’est à la fois l’expression d’un point de vue, non pas d’une peur mais plutôt d’une interrogation, quant à l’avenir d’un monde encore régi par le rapport entre puissances, les États-Unis en tête. Alors, quelles perspectives imaginer, assistons-nous à un bouleversement aux traces indélébiles ? Quel sera notre rôle, à nous l’Union européenne et à nous la France si l’ordre mondial est en proie à des menaces violentes et antidémocratiques, d’où qu’elles viennent, les nouveaux États-Unis d’Amérique garderont-ils ce statut d’Ami ? 

Mohamed-Amine Khamassi

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