Depuis quelques années, la Chine mène une politique répressive à l’encontre des Ouïghours, peuple musulman ethniquement turc, principalement implantés à hauteur de 45 % dans la province de Xinjiang qui se situe au nord ouest de la Chine. Plus proche culturellement et géographiquement des peuples d’Asie centrale que des Hans (l’ethnie chinoise principale), la Chine a rétabli le contrôle de la province du Xinjiang en 1949 avec l’accord des soviétiques qui contrôlaient la région depuis les années 30. La Chine a fait du nationalisme son mantra et l’unité du territoire chinois une nécessité.
L’Histoire du Xinjiang et la non-appartenance des Ouïgours au peuple chinois, ethniquement du moins, expliquent pourquoi Pékin tient à maintenir son pouvoir dans cette province quitte à utiliser les méthodes les plus autoritaires qui soient. L’Empire du Milieu s’ingénie par conséquent à détruire l’identité musulmane du peuple Ouïghour et ce depuis des décennies. Le premier pas de cette politique a été opérée dans les années 80 lorsque la Chine a instaurée une politique de colonisation dans le Xinjiang. Le pouvoir central de Pékin, situé à 3 000 kilomètres du Xinjiang, avait incité les Hans à émigrer dans cette lointaine province qu’elle entend « siniser ». Aujourd’hui, de nombreuses mesures sont mises en places. Pékin les justifient en brandissant l’excuse de la menace terroriste. !
Retour sur ces nombreuses répressions qui se sont accentuées ces dernière années et qui dépassent la « simple » motivation de la lutte antiterroriste.
La lente et dangereuse répression de la Chine envers les Ouïghours !
Le 14 février 2017 marque un tournant dans la politique répressive chinoise à l’encontre des Ouïghours. Ce jour-là, quinze personnes ont été poignardées par trois assaillants qui se sont rués sur la foule dans le district de Pishan au Xinjiang. Le bilan est de 5 morts; les trois assaillants sont tués par la police. Pékin a réagit les heures suivant l’attaque. Une campagne de répression sans précédent a été lancé dans le Xinjiang qui consiste entre autre à des appels à la délation, des GPS obligatoires dans les voitures sous peine de ne plus pouvoir accéder aux stations services, et un déploiement conséquent de forces anti terroristes. La définition d’ « actes terroristes » étant très extensive en Chine, il n’y a rien d’étonnant à ce que ça amène à des dérives. Les autorités de Hotan, préfecture où s’est déroulé l’attentat de Pishan, offraient 2000 yuans de récompense, soit l’équivalent de 275 euros, pour toute dénonciation de personnes « dont la tête est couverte » ou de « jeunes arborant de longues barbes ». S’en est suivi une série de mesures visant à exclure toute visibilité musulmane.
En septembre 2017, le port de la barbe et du hijab sont punis mais également le jeune du mois de Ramadan. La possession d’objets islamiques au sein de son propre domicile est prohibée. Les autorités de la province du Xinjiang ont ordonné aux musulmans de remettre leur Coran et tapis de prières, sous peine d’un « sévère châtiment ». La pratique de l’islam, jusque-là modérée et culturelle, est désormais considérée comme une « menace pour la sécurité », et de nombreuses mosquées ont été détruites. On peut se faire arrêter parce que l’on porte une « une barbe anormale »; que l’on écrit « halal » sur sa devanture; ou que l’on donne à son nouveau-né un nom tel que Mohamed ou Arafat. Le mandarin est imposé dans les écoles pour supplanter le ouïgour s’écrivant en caractères arabes. Les Ouïghours craignent que leur culture traditionnelle soit anéantie, crainte pleinement justifiée. En décembre 2017, selon l’ONG Human Rights Watch, les autorités enregistrent les données biologiques de la totalité des musulmans du Xinjiang qui se retrouvent fichés jusqu’au sang.
En effet, depuis 2016, les autorités chinoises ont mis en place un programme nommé « des examens médicaux pour tous ». Cependant selon l’ONG; qui a réussi à se procurer les consignes de ces examens médicaux; des échantillons ADN et sanguins, le scan de l’iris ainsi que les empreintes digitales sont enregistrés indépendamment des patients. Le Parti communiste chinois a transformé la province du Xinjiang en laboratoire sécuritaire. Les autorités demandent à la police et aux comités locaux du Parti communiste de coopérer et de s’assurer que les informations de chaque habitant sans exception soient collectées. Aucune mention de l’accord des habitants n’apparaît, ces visites médicales étant pourtant présentées comme volontaire. Par ailleurs, les autorités sont aidées par deux entreprises américaines, Thermo Fisher Scientific, qui procure l’équipement pour le séquençage des ADN, et la scandaleuse société de sécurité privé BlackWater qui entraîne les agents de sécurité du Xinjang.
Ces mesures humiliantes et liberticides s’inscrivent dans la ligne générale du Parti communiste chinois qui prône depuis toujours le contrôle et la répression sur l’ensemble de la population. Elles rejoignent également l’obsession sécuritaire de Xi Jinping, président de la République populaire de Chine depuis le 14 mars 2013, réélu le 17 mars 2018 et ce à durée indéterminée depuis la suppression de l’article 66 de la Constitution chinoise qui obligeait les présidents chinois à ne pas effectuer plus de deux mandats. !
L’ouverture des camps de rééducation ou la survie du peuple Ouïghour
La situation s’aggrave de jour en jour. Les Ouïghours en sont aujourd’hui réduit à revendiquer leur droit à la survie. La Chine ne cache même plus ses intentions d’éradiquer ce peuple. Le dernier fait en date remonte au moins de juin 2018, lorsque la Chine a décidé de rouvrir des camps dans le but de « rééduquer » les musulmans. La mise en place de ce vaste réseau de camps de rééducation rappelle tristement la Révolution culturelle sous Mao. Les premières traces de ce vaste programme d’enfermement avaient été dénoncées dès septembre 2017 par la radio américaine Radio Free Asia. Environ plusieurs centaines de milliers, voire plus d’un million de musulmans auraient été envoyés dans ces camps depuis 2017. Le taux d’internement des Ouïgours et Kazakhs, toute deux des minorités dont la religion principale est l’islam, pourrait ainsi atteindre 10% dans les villes où ils sont majoritaires. Presque chaque famille ouïgoure a au moins un membre de sa famille ou un proche en camp de rééducation. !
Entre répression et jihad, les Ouïghours pris au piège
La faction islamiste ne représente qu’une part minoritaire du nationalisme ouïghour. Cependant, cette minorité s’internationalise. Le mouvement ouïghour radicalisé s’attaque aujourd’hui aux intérêts chinois à l’étranger après s’être cantonné à des actions locales au Xinjiang et nationales sur le sol chinois. En 2015, à Bangkok, en Thaïlande, un attentat dans un temple très fréquenté des touristes chinois a fait 20 morts. En août 2016, l’ambassade de Chine au Kirghizistan a été la cible d’une voiture piégée. L’attaque kamikaze aurait été commanditée depuis la Syrie par le Parti islamiste du Turkestan, installé au Pakistan, frontalier du Xinjiang, qui milite pour l’instauration d’un Etat islamique propre aux peuples turcophones d’Asie centrale tel que les Ouïghours. Fuyant un environnement hostile et les atteintes à leurs libertés fondamentales, une partie des militants Ouïghours se réfugie en Afghanistan et au Pakistan où ils basculent dans le jihadisme. La Syrie est elle aussi concernée. Elle abrite aujourd’hui un contingent jihadiste ouïghour structuré. On estime aujourd’hui que plusieurs centaines d’Ouïghours seraient dans les rangs de l’Etat islamique, mais surtout d’Al-Qaeda. Les Ouïghours sont considérés comme des combattants de seconde zone par l’Etat islamique, tandis qu’avec Al-Qaeda, ils dirigent un réseau. Le gouvernement chinois doit faire face au problème terroriste, mais elle l’a généré elle-même par des politiques plus que répressives.
Laurine Miche
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