Etude du traitement judiciaire des attentats du 13 novembre 2015

Depuis le 11 septembre 2001, les modes d’actions des différents groupes terroristes ont évolué. Ainsi, des attentats d’une plus grande ampleur ont eu lieu dans de nombreux Etats. Il est possible de citer les attentats de Madrid en 2004, ou encore ceux de Londres en 2005. Concernant la France, les meurtres perpétrés par Mohamed Merah en 2012 ou les attentats de janvier 2015 sont les premiers attentats d’une nature nouvelle. En effet, ce sont de nouveaux modes opératoires plus puissants et plus efficaces encore qui nécessite une réponse sécuritaire nouvelle mais aussi une réponse judiciaire qui se doit d’être à la hauteur. L’exemple le plus probant concernant cela sont les événements du 13 novembre 2015. 

Ces derniers sont des attentats terroristes multi-sites regroupés en trois zones au total. Le Stade de France est le premier lieu touché par cette vague d’attentats. Au total, ce sont trois terroristes kamikazes qui ont explosé dans un périmètre restreint de 150m autour du Stade de France entre 21h19 et 21h53. Deuxièmement, un ensemble de terrasses, de restaurants et de bars parisien a été touché par un commando armé qui a pris d’assaut les personnes qui s’y trouvaient. La première fusillade concerne les terrasses du Carillon et du Petit Cambodge à 21h24. La deuxième a eu lieu à 21h26 sur les terrasses du Casa Nostra et du Café de Bonne bière. La troisième a lieu sur la terrasse de La Belle Equipe à 21h36. Un quatrième lieu est touché par l’explosion d’un engin explosif improvisé dans le restaurant le Comptoir Voltaire. Le dernier lieu touché est le Bataclan où une tuerie a lieu dès 21h40. A 22h00 débute une prise d’otage à l’intérieur du Bataclan. Le bilan de ces évènements s’élève alors à 130 personnes décédées et 493 blessés. Ces évènements sont « une première » dans l’histoire du terrorisme en France. 

Le rapport parlementaire n°3922 relatif aux moyens mis en œuvre par l’Etat pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015 donne un grand nombre d’information sur l’enquête qui a été menée à la suite des faits. Ainsi, il est intéressant d’étudier comment l’enquête a été organisée, mais aussi d’étudier brièvement son déroulement jusqu’à l’assaut du 18 novembre 2015 à Saint-Denis, afin de comprendre comment cet événement a été judiciairement traité

Dans un premier temps, il est nécessaire de rappeler les dispositions de l’article 705-16 du Code de Procédure Pénale qui définit la compétence du Parquet de Paris pour enquêter sur des actes de terrorismes (actes définis à l’article 706-16 du Code de Procédure Pénale et à l’article 421-1 du Code Pénal) : « Pour la poursuite, l’instruction et le jugement des infractions entrant dans le champ d’application de l’article 706-16, le procureur de la République, le pôle de l’instruction, le tribunal correctionnel et la cour d’assises de Paris exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l’application des articles 43, 52 et 382. » De plus, « le procureur de la République et le pôle de l’instruction de Paris exercent leurs attributions sur toute l’étendue du territoire national. » 

Donc, c’est dès 22h45, soit plus d’une heure après le début des faits, que le Parquet de Paris ouvre une enquête de flagrance. Cette dernière est définie à l’article 53 du Code de Procédure Pénale qui dispose que « Est qualifié crime ou délit flagrant le crime ou le délit qui se commet actuellement, ou qui vient de se commettre. Il y a aussi crime ou délit flagrant lorsque, dans un temps très voisin de l’action, la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur publique, ou est trouvée en possession d’objets, ou présente des traces ou indices, laissant penser qu’elle a participé au crime ou au délit. A la suite de la constatation d’un crime ou d’un délit flagrant, l’enquête menée sous le contrôle du procureur de la République dans les conditions prévues par le présent chapitre peut se poursuivre sans discontinuer pendant une durée de huit jours. » 

Ainsi, cette enquête de flagrance est caractérisée par le constat en flagrant délit mais aussi par le fait que l’infraction vient de se commettre ou est entrain de se commettre. Ainsi, il est nécessaire d’agir dans de brefs délais. Les pouvoirs de contraintes sont plus importants et réalisés sans le consentement de la ou des personnes intéressées, cela tient du fait de l’urgence de la situation en question

Le soir du 13 novembre 2015, trois services d’enquête sont immédiatement saisis. Premièrement, la sous-direction antiterroriste (SDAT) de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) est chargée de coordonner les opérations. Les deux fusillades à La Belle Equipe et au Comptoir Voltaire sont traités par la Direction Interrégionale de la Police Judiciaire (DIPJ) de Lille (unité rattachée à la DCPJ). De plus, 15 enquêteurs de la SDAT sont envoyés sur les 6 scènes de crimes. Ensuite, la section antiterroriste (SAT) de la brigade criminelle (BC) de la direction régionale de la police judiciaire (DRPJ) de Paris est chargée d’enquêter sur les trois sites d’explosion du Stade de France. Ces derniers sont considérés comme une seule et même scène de crime pris en charge par le Service Départemental de la Police Judiciaire 93 (SDPJ 93) qui est donc supervisé par la susnommée DRPJ. Les deux premières fusillades, c’est-à-dire celles des terrasses du Carillon et du Petit Cambodge, sont confiées au 2e et 3e district de la Direction de la Police Judiciaire, supervisée par la BC, tout comme la scène de crime du Bataclan et les deux autres fusillades, qui concernent les terrasses du Casa Nostra et du Café de Bonne bière. Enfin, la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) est aussi saisie. 

Devant la commission d’enquête parlementaire sur les différents attentats terroristes ayant touché la France, Philippe Chadrys, sous-directeur chargé de l’antiterrorisme à la DCPJ, a dit que : « la coordination (…) consistait à orienter et diriger les investigations conduites par l’ensemble des services saisis, à répartir les missions qui leur incombent, à assurer la remontée rapide d informations consolidées à l’autorité́ hiérarchique et à l’autorité́ judiciaire, à ventiler ces informations aux services co-saisis et aux enquêteurs et, enfin, à centraliser les actes établis par l’ensemble des services impliquées et à établir un plan de procédure ». 

Donc, l’enquête, dans sa globalité, a été répartie entre différents services afin de pouvoir traiter les faits de la meilleure façon possibleDe facto, il était important de coordonner ces différents services et leurs différentes actions d’investigations afin d’être plus efficace dans l’enquête. Le rapport parlementaire n°3922 relatif aux moyens mis en œuvre par l’Etat pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015 montre qu’une assemblée plénière entre chaque service d’enquête a eu lieu dans les jours ayant suivis les faits.

Les premières heures de l’enquête ont consisté en l’organisation de l’enquête comme précédemment décrite ainsi qu’à l’identification des scènes d’attentats, le recueille des premiers témoignages et le début des opérations de constatations. A 23h45, la SDAT déclenche le dispositif « attentat » et à 00h00 un numéro d’appel à témoins pour recueillir informations utiles est mis en place. 

Premiers relevés et constations au Comptoir Voltaire le soir du 13 novembre 2015

Ensuite, le samedi 14 novembre, un contrôle de gendarmerie sur l’autoroute A2 va faire apparaître le nom de Salah Abdeslam dans l’enquête.  De plus, ce jour, 4 enquêteurs d’Europol rejoignent les locaux de la SDAT et des premiers échanges avec les services belges ont lieu. Les services d’INTERPOL vont permettre d’identifier des individus ayant participer au commando des terrasses et au commando du Stade de France. Concernant les faits du Bataclan, les constatations permettent de découvrir des armes de type fusils d’assauts. De plus, un téléphone portable est découvert, ce qui a permis d’approfondir l’enquête sur la programmation des trois attentats. Ce même jour, le lien entre « les terroristes et la Belgique » (cf. Le rapport parlementaire n°3922 relatif aux moyens mis en œuvre par l’Etat pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015) est confirmé grâce à la vidéoprotection qui a permis la reconnaissance du véhicule du commando qui a été loué en Belgique. Donc, le Parquet de Paris adresse 4 demandes d’entraide pénale internationale (DEPI) aux autorités judiciaires belges. 

Le dimanche 15 novembre de nouveaux éléments d’enquêtes sont découverts concernant le Bataclan, c’est-à-dire l’identité d’un des terroristes, et les terrasses. Le lundi 16 novembre, une équipe commune d’enquête franco-belge mise en place pour « faciliter la coordination entre les enquêtes conduites dans les deux pays ». De plus, il apparaît certaines précisions sur l’organisation du commando et son parcours. Le mardi 17 novembre, un des commissaires de police de la DRPJ de Versailles rejoint Bruxelles. Les enquêteurs retracent le parcours des commandos terroristes au cours des jours avant les faits. De plus, le Parquet de Paris apprend de la SDAT qu’un commando se prépare à Saint-Denis et prend la décision de l’interpeller dans la nuit.  Il est aussi important de noter que, ce jour, les autorités grecques informent la DGSI de l’identité d’un homme du commando. 

Enfin, le mercredi 18 novembre, à 4h15, un assaut est donné dans un appartement, où se trouve l’un des commanditaires des attentats de 13 novembre, à Saint-Denis.  

Ainsi, il est possible de constater la complexité et le caractère exceptionnel de cette enquête qui a suivi les faits du 13 novembre 2015. Du fait de l’urgence de la situation, il a été nécessaire de déclencher une enquête de flagrance pour deux choses : permettre d’établir la vérité sur les faits grâce à des moyens plus importants ; retracer l’origine des individus faisant partie du commando afin de démanteler la filière terroriste et éviter d’autres attentats. 

D’autre part, l’organisation de l’enquête, autrement sa division entre trois services judiciaires, a été nécessaire afin de traiter de la meilleure façon possible les faits et d’optimiser les moyens offerts par l’enquête de flagrance. 

Dernièrement, le déroulement de l’enquête a laissé voir qu’elle se devait d’être coordonnée avec différents organismes internationaux tel que les services judiciaires belges, grecques mais aussi INTERPOL. 

Rayan Aissani

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