Nucléaire iranien – Une rupture historique?

            Alors qu’il vient de mener il y a un peu moins d’un mois une action militaire coalisée contre le régime syrien – aux cotés de la France et du Royaume-Uni – c’est cette fois-ci bien seul que Donald Trump à annoncé ce mardi 8 mai 2018 sa volonté de retirer les Etats-Unis de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien, signé le 14 juillet 2015.

 C’était d’ailleurs une de ses promesses de campagne lors de l’élection présidentielle de 2016.

            L’accord de Vienne sur le nucléaire iranien fut donc signé en juillet 2015, par le P5+1 (Conseil de Sécurité de l’ONU + Allemagne), l’Union Européenne ainsi que l’Iran. Cet accord visait un double objectif : d’une part l’Iran s’engageait à stopper les recherches et développements de son domaine nucléaire militaire, d’autre part les parties signataires de l’accord s’engageaient à la levée des lourdes sanctions économiques qui pesaient sur le pays (voir article Nucléaire iranien – Trump risque-t-il l’erreur de trop?).

            Fruit de nombreuses années de négociations et de travail diplomatique coordonnées entre les 8 parties signataires, la remise en cause de cet accord par les Etats-Unis est quasi-unanimement perçu comme une erreur, une faute grave voire même une provocation faite par Donald Trump. Ce n’est pourtant pas la premiere fois depuis son élection que le président des Etats-Unis prouve à la communauté internationale sa capacité à décider seul et sans vraiment considérer les conséquences potentielles de ses décisions (cf retrait de l’accord de Paris sur l’environnement).

            Dès lors, quels sont les conséquences d’une telle décision? Il semble possible d’envisager 2 aspects à cette question : d’un côté les conséquences diplomatiques, de l’autre les conséquences économiques.

            D’un point de vue diplomatique, l’accord avait permis à l’Iran de sortir d’un isolationnisme forcée qui caractérisait le pays depuis de nombreuses années. Pour Barack Obama, alors président des Etats-Unis, et les autres chefs d’Etats signataires de l’accord, l’objectif était de redonner à l’Iran d’Hassan Rohani une place dans les discussions internationales, mais surtout une place dans les discussions concernant son propre pays.

            Diplomatiquement, la décision de Donald Trump est unanimement rejetée par les parties signataires de l’accord, la France, la Russie et la Chine par exemple, qui avaient su bénéficier de cet accord d’un point de vue économique. Pour l’instant, seuls l’Arabie Saoudite sunnite – ennemi de longue date de l’Iran chiite –  et Israël, ont salué la décision prise par les Etats-Unis. 

            Mais c’est surtout d’un point de vue économique que ce retrait semble faire naitre des tensions. En effet, et c’est là la conséquence principale de la décision prise par Donald Trump, les Etats-Unis se sont donc engagés dès hier soir à remettre en place de lourdes sanctions économiques contre les entreprises qui souhaiteraient s’installer en Iran ou qui souhaiteraient continuer le développement d’activités économiques et commerciales sur le sol iranien. 

            La Maison Blanche à déjà annoncé que ces sanctions s’appliqueraient « immédiatement » pour toute nouvelle entreprise souhaitant s’implanter aujourd’hui en Iran. Elle laisse jusqu’au 4 novembre 2018 aux autres entreprises déjà implantées en Iran pour se retirer du pays et pour cesser leurs activités sur son sol. Cette volonté exprimée par les Etats-Unis n’est pas à prendre à la légère pour les entreprises concernées. On rappellera pour exemple l’amende de 9 milliards de dollars infligée en 2014 par les Etats-Unis à la banque BNP Paribas pour son non-respect de l’embargo économique alors encore en vigueur contre l’Iran. 

            Le ministre de l’économie français Bruno Le Maire à d’ailleurs annoncé qu’il n’était pas « acceptable » que les Etats-Unis se placent en « gendarme économique de la planète » et a dénoncé une « erreur » tant du point de vue économique que du point de vue de la sécurité internationale.

            La question reste désormais de savoir si un tel accord peut continuer à être appliqué sans les Etats-Unis. L’Iran, qui traverse une crise économique majeure depuis plusieurs années, va chercher à solidifier ses relations avec les Etats parties de l’accord afin d’atténuer au maximum les conséquences d’un retour à la mise en place de sanctions économiques. Les Etats tels que la France, l’Allemagne ou le Royaume-Uni, semblent déjà vouloir faire front commun face aux Etats-Unis pour conserver l’accord de Vienne. L’Union Européenne à quant à elle déjà annoncé que « Tant que l’Iran continuera à respecter ses engagements dans le domaine nucléaire (…), l’UE continuera à appliquer pleinement et efficacement l’accord ». Elle a ajouté que « La levée des sanctions est une composante essentielle de l’accord (…) L’UE souligne sa détermination à faire en sorte qu’elle perdure ».

            L’objectif est donc double : éviter que le principe de non-prolifération des armes nucléaires ne soit bafoué à nouveau par l’Iran, mais aussi permettre aux entreprises occidentales de continuer leur développement économique sur le sol iranien. La France semble ainsi avoir un grand intérêt à se positionner en tant que leader de la conservation de l’accord. Une alliance forte entre les Etats parties de l’accord contrebalancerait sûrement le départ des Etats-Unis, et permettrait surtout d’éviter un accroissement des tensions entre Israël, l’Arabie Saoudite et l’Iran, acteurs diplomatiques et militaires majeurs d’une région déjà instable.

Clément Drut

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