Les atteintes aux intérêts financiers de l’Union européenne ont été, depuis un certain nombre d’années, de plus en plus présentes. Ainsi, plusieurs organismes ont été créés afin de répondre à ces atteintes. Il s’agit notamment de l’Office de lutte antifraude (OLAF), d’Eurojust ainsi que d’Europol. Ces organismes ont révélé des carences empêchant alors une protection efficace des intérêts financiers de l’Union européenne. Dès lors, plusieurs Etats ont plaidé pour la création d’une entité permanente capable de pallier aux carences des organes de protection : le Parquet européen. Dès 2017, ce dernier a été créé avec une organisation centralisée et décentralisée répondant directement aux lacunes existantes. De plus, ce Parquet européen a été doté de compétences lui donnant un panel d’actions afin de protéger, de manière efficace, les intérêts financiers de l’Union. Enfin, ce Parquet européen bénéficie d’un statut d’indépendance, qui lui permet d’exercer souverainement ses compétences.
Dans un article paru dans Le Monde, daté du 26 octobre 2016, Robert Badinter et Viviane Reding, respectivement ancien Ministre de la Justice et membre du Parlement Européen, avertissent du danger de la création d’un Parquet « qui n’aurait d’européen que le nom »[1]. Par cela, ils cherchent à souligner la nécessaire coopération entre les Etats concernant la création, la mise en œuvre et la poursuite du projet de création du Parquet Européen. En effet, sans une coopération réelle et active, ce projet de Parquet Européen serait voué à l’échec.
L’idée d’un Parquet Européen n’est pas chose nouvelle. Bien au contraire, elle est le fruit d’une longue réflexion déjà mûrie depuis presque quarante ans. En effet, ce processus commence avec l’ancien Président de la République Française, Valéry Giscard d’Estaing, qui avait proposé la création d’un espace judiciaire européen. C’est avec le Traité de Maastricht, en 1992, que la coopération judiciaire en matière pénale entre les Etats membres de l’Union Européenne apparaît. En 1995, est signée la Convention sur la protection des intérêts financiers (PIF) des communautés européennes. Cette convention a pour objectif d’assurer la protection pénale des intérêts financiers de l’Union Européenne. M. Klaus Hänsch, alors président du Parlement européen en 1996, plaide pour la création d’un Parquet Européen. En 1999, le Conseil européen décide de la création d’Eurojust et de la Charte des droits fondamentaux. Le Livre vert sur la protection pénale des intérêts financiers communautaires et la création d’un Procureur européen est publié en 2001. Ce dernier certifie la volonté des Etats membres de créer un Parquet européen. C’est aussi en 2001 que l’idée d’un Parquet européen sera officiellement mentionnée dans le Traité de Nice, puis six ans plus tard dans le Traité de Lisbonne à son article 86. Ensuite, en 2011, la Commission européenne publie une communication relative à la protection des intérêts financiers, en y mentionnant la volonté de créer un « ministère public européen spécialisé ». Le 8 juin 2017, lors d’un Conseil « Justice », vingt Etats membres ont donné leur accord politique sur la création du Parquet européen, puis c’est le Parlement qui donnera son accord à cette création.
Le premier rapport de la Commission consacré à la politique anticorruption dans l’Union européenne, publié en février 2014, rappelait que la corruption touchait tous les Etats membres de manière différente et coutait près de 120 milliards d’euros par an à l’économie de l’Union[2]. De facto, un tel constat nécessite une action de la part de l’Union Européenne puisque non seulement cette fraude touche les avoirs des Etats, de l’Union Européenne mais aussi ceux des contribuables. De plus, cette fraude est une atteinte au principe d’égalité devant l’impôt, principe proclamé par le Bloc de constitutionnalité et plus précisément par la Constitution de 1958 et la Loi Organique relative aux Lois de Finances (LOLF) de 2001.
D’un point de vue national, un Parquet peut être défini comme « l’ensemble des magistrats chargés, au sein d’un tribunal de grande instance et sous la direction du procureur de la République, de défendre les intérêts de la société »[3]. D’un point de vue communautaire, le Parquet est un ensemble de procureurs des Etats membres étant en mesure de chercher, d’engager des poursuites judiciaires et de renvoyer en jugement des auteurs d’infractions considérées comme portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne. Ils sont définis, par l’article 2 du règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017 mettant en œuvre une coopération renforcée concernant la création du Parquet européen comme « l’ensemble des recettes perçues et des dépenses exposées, ainsi que des avoirs, qui relèvent du budget de l’Union et des budgets des institutions, organes et organismes institués en vertu des traités ou des budgets gérés et contrôlés par eux »[4]. De plus, les infractions pénales concernent la fraude active, passive ainsi que les détournements. La même directive prévoit des « pénalités minimales pour les personnes physiques et établit des périodes de prescriptions qui permettent à la loi (…) de s’attaquer efficacement à ces infractions »[5]. La protection de ces intérêts financiers, quant à elle, est définie dans la directive 2017/1371/UE.
Par conséquent, l’intérêt d’étudier l’existence nouvelle d’un Parquet européen réside dans le fait de savoir comment ce dernier va pouvoir pallier aux carences existantes en matière de lutte contre la fraude financière dans l’Espace Economique Européen, et ainsi de pouvoir lutter efficacement contre les atteintes aux intérêts financiers de l’Union.
Pour répondre à cela, nous verrons que des moyens de protection des intérêts financiers de l’Union existent mais sont insuffisants, d’où la nécessaire instauration d’une coopération judiciaire en la matière, à travers le Parquet européen. Ensuite, nous verrons que le Parquet européen est alors un garant indispensable à la préservation de ces intérêts, par ses compétences et son indépendance.
- Une protection des intérêts financiers de l’Union déjà existante mais insuffisante
La protection des intérêts financiers de l’Union est opérée depuis plusieurs années par des organismes européens aux résultats insuffisants (A). Cette insuffisance va trouver, comme solution, la coopération des Etats membres au sein du Parquet Européen (B).
- La nécessaire création d’un Parquet européen pour pallier aux carences des organismes de protection des intérêts financiers de l’Union déjà existants
- L’existence de nombreux organismes de protection des intérêts financiers de l’Union
Le Parquet européen a été institué dans le but de pallier aux carences des organismes européens de lutte contre la fraude fiscale comme l’Office de lutte antifraude (OLAF), l’Eurojust, l’Europol mais aussi pour pallier aux difficultés découlant de l’hétérogénéité juridiques des législations des Etats membres et des compétences des parquets nationaux.
Premièrement, l’OLAF est un organisme ayant compétence pour mener des enquêtes administratives. Son pouvoir d’enquête est assuré par plusieurs dispositions lui permettant de mener sa mission efficacement. Ainsi, le 25 mai 1999, un accord interinstitutionnel est signé entre le Parlement européen, la Commission et le Conseil dans le but de créer des règles assurant le bon déroulement des enquêtes menées par l’Office. De plus, les Etats membres ont pour obligation de partager leurs informations relatives à la fraude des fonds de l’Union[6].
Deuxièmement, Eurojust a pour mission de « renforcer l’efficacité des autorités nationales chargées des enquêtes et des poursuites dans les dossiers de criminalité transfrontalière grave et de criminalité organisée et de traduire les criminels en justice de façon rapide et efficace »[7]. C’est donc une de coopération judiciaire de l’Union. Il est important de noter que l’article 86 du TFUE dispose que le Parquet européen doit être créé « à partir d’Eurojust »[8].
Troisièmement, l’Office européen de police, ou Europol, a pour but de coordonner et faire coopérer les forces de police des Etats membres.
Enfin, chaque Etat a ses propres moyens afin de lutter contre les fraudes fiscales que sont les Parquets nationaux. Chacun d’entre eux dispose d’un « service de coordination antifraude » (AFCOS) ainsi qu’une politique nationale antifraude[9].
Ainsi, il est possible de voir que de nombreux organismes ont été institués pour protéger les intérêts financiers de l’Union. Cependant, leurs actions sont restreintes, des carences sont perceptibles, ce qui rend la protection des intérêts financiers moins efficace. En effet, il est important d’exposer et de comprendre quelles sont ces carences afin de comprendre les tenants et aboutissants du Parquet européen.
- La nécessité de combler les lacunes importantes des organismes existants
Premièrement, l’organisme Eurojust n’a pas de pouvoir juridictionnel et ne peut donc pas mener des enquêtes ou des poursuites lui-même[10]. Ainsi, cet organisme a un panel d’actions extrêmement limité même si son rôle de coordination est indispensable dans la lutte contre la fraude. Deuxièmement, l’OLAF a un pouvoir d’enquête et de poursuite qui lui donne une possibilité d’action plus importante qu’Eurojust. Cependant, les recommandations qu’il délivre à la suite de ses enquêtes peuvent, ou non, être suivies par les Etats membres[11]. Enfin, Europol n’a aucune compétence opérationnelle.
Il est notable que ces organismes n’ont pas de pouvoirs larges et effectifs ou alors leurs instructions et recommandations n’ont pas de force juridique contraignante vis-à-vis des Etats membres, ce ne sont que des avis. De plus, une coopération inter-étatique n’est pas de mise dans ces organismes, et les différentes législations nationales en la matière ne viennent pas faciliter la lutte qui se doit d’être commune pour être efficace. En effet, les différentes législations des Etats membres limitent la lutte contre une fraude transfrontalière.
De facto, les carences concernant les organismes de lutte contre les atteintes aux intérêts de l’Union montrent que le Parquet européen se doit d’avoir, comme fondement, une représentation effective au sein des Etats membres ainsi que la production d’actes ayant une force juridique contraignante mais aussi d’importantes compétences.
- L’unicité et la décentralisation : pierres angulaires de l’organisation du Parquet européen
La création du Parquet européen peut être vu comme nécessaire afin de renforcer, juridiquement, la protection des intérêts financiers de l’Union européenne. Ainsi, selon l’article 8 §1 du règlement 2017/1939 du Conseil, du 12 octobre 2017 mettant en œuvre une coopération renforcée concernant la création du Parquet européen : « Le Parquet européen est un organe indivisible de l’Union fonctionnant comme un parquet unique à structure décentralisée ». On comprend ainsi que, le Parquet européen, contrairement aux autres organes de lutte contre les atteintes aux intérêts financiers de l’Union, est un organe indivisible et décentralisé. Le même article poursuit en disposant que le Parquet s’organise tant à un niveau centralisé c’est-à-dire une branche décisionnelle, qu’à un niveau décentralisé c’est-à-dire une représentation dans chaque Etat membre.
- Le Parquet européen : un organe centralisé
Concernant le niveau centralisé, l’article 8 montre qu’il est composé d’un collège, de chambres permanentes, d’un chef du Parquet européen, d’adjoints au chef du Parquet européen, de procureurs européens et d’un directeur administratif. Le fait que le Parquet européen soit un organe centralisé lui donne un poids plus important que les organes précédemment exposés. En effet, il va alors fonctionner comme un parquet unique à l’Union, ce qui est plus efficace afin de lutter contre une fraude transnationale.
Ce niveau est la branche décisionnelle du Parquet européen. En effet, l’article 9 du règlement 2017/1939 du Conseil, du 12 octobre 2017 montre que le collège : « adopte des décisions sur des questions stratégiques, ainsi que sur des questions générales soulevées par des dossiers particuliers, notamment en vue d’assurer la cohérence et l’efficacité, dans l’ensemble des États membres, de la politique du Parquet européen en matière de poursuites, ainsi que sur d’autres questions visées dans le présent règlement ». De plus, l’article 10 dispose que les chambres permanentes sont chargées de la direction des enquêtes et des poursuites ainsi que leurs coordinations.
- Le Parquet européen : un organe décentralisé
Concernant le niveau décentralisé, l’article 8 du règlement 2017/1939 dispose qu’il est composé par les procureurs européens délégués affectés dans chaque Etat membre. Ceux-ci ont pour mission de mener les enquêtes dans leurs Etats respectifs. L’article 16 précise que ces procureurs doivent être « des membres actifs du ministère public ou du corps judiciaires de l’Etat membre concerné ». Ainsi, chaque système judiciaire des Etats membres sera représenté au sein de cette entité décentralisée mais, en même temps, le Parquet européen sera représenté, par ces mêmes procureurs, au sein de chaque système judiciaire.
Alors, il est aisé de comprendre que les carences pouvant être observées, à ce niveau, sur les premiers organes de protection, tels que l’OLAF, sont palliées car l’action du Parquet européen sera effective au sein même des Etats membres.
Par conséquent, l’organisation fonctionnelle du Parquet européen est marquée par ce double niveau, centralisé et décentralisé, qui vient lui donner une unicité et une représentation effective dans chaque Etat membre nécessaire à une action judiciaire efficace. De plus, chaque système juridique et judiciaire national sera représenté au sein de ce Parquet européen. De facto, cette double organisation couplée à de larges compétences judiciaires pourront, en principe, protéger de manière plus efficace les intérêts financiers de l’Union.
La protection des intérêts financiers de l’Union Européenne était déjà existante, mais cependant insuffisante. En effet, malgré les nombreux organismes, « Les représentants d’Europol estiment à 40-60 milliards d’euros les pertes annuelles de recettes de TVA des Etats membres »[12]. De facto, de nouveaux moyens doivent être mis en place pour mettre un terme à cela. Le Parquet européen serait un excellent moyen. Cependant, quels types de compétences pourra exercer le Parquet européen ? Le Parquet sera-t-il indépendant ?
- Le Parquet Européen : garant des intérêts financiers de l’Union
Selon le règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017 mettant en œuvre une coopération renforcée concernant la création du Parquet européen, le Parquet disposera de compétence matérielle, de compétences territoriale et personnelle (A). De plus, le Parquet bénéficie d’un statut de totale indépendance (B).
- Un parquet européen aux compétences matérielle, territoriale et personnelle
- Une compétence matérielle large mais limitée aux infractions transnationales
Tout d’abord, le Parquet européen aura pour mission, selon l’article 4 du règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017 mettant en œuvre une coopération renforcée concernant la création du Parquet européen de « rechercher, de poursuivre et de renvoyer en jugement les auteurs des infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union au titre de la directive (UE) 2017/1371 du Parlement européen et du Conseil ainsi que des infractions qui leur sont indissociablement liées »[13].
De plus, selon l’article 2 du même règlement, les intérêts financiers de l’Union sont définis comme « l’ensemble des recettes perçues et des dépenses exposées, ainsi que des avoirs, qui relèvent du budget de l’Union et des budgets des institutions, organes et organismes institués en vertu des traités ou des budgets gérés et contrôlés par eux ». Ces intérêts financiers de l’Union sont le champ de compétence du Parquet européen. Cependant, dans le considérant numéro 56 du règlement précité, est mis en place la conception d’infraction accessoire. Ce principe couvre les infractions que les droits nationaux ne considèrent pas comme relevant des infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union. De facto, la compétence du Parquet s’élargit à ces infractions accessoires.
Ensuite, selon l’article 22 du règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017, le Parquet européen dispose d’une compétence matérielle. La compétence matérielle, ou ratione materiae, est définie comme « la compétence d’une juridiction en fonction de la nature des affaires (…). Les règles de compétence d’attribution répartissent les litiges entre les divers ordres, degrés et nature de juridiction »[14]. Ainsi, le Parquet européen est compétent pour les infractions pénales portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union et pour les infractions relatives à la participation à une organisation criminelle. De plus, il est compétent pour toute autre infraction pénale indissociablement liée à un comportement délictueux.
Cependant, cette compétence dispose de limites. En effet, comme nous le dit l’article 22 du règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017, « Le Parquet européen n’est pas compétent à l’égard des infractions pénales portant sur les impôts nationaux directs ». Ainsi, on déduit de cet article que la compétence matérielle du Parquet européen se limite aux infractions transnationales, ce dernier ne pouvant en aucun cas interférer dans le système d’imposition d’un Etat membre pour relever des infractions concernant celui-ci.
- Une limitation des compétences ratione loci et ratione personae
Tout d’abord, concernant la compétence territoriale, l’article 23 du règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017 dispose que le Parquet européen est compétent pour les infractions précitées si elles « ont été commises en totalité ou en partie sur le territoire d’un ou de plusieurs États membres »[15]. De plus, il est compétent si elles ont « été commises en dehors des territoires visés au point a) par une personne qui, au moment de l’infraction, était soumise au statut des fonctionnaires ou au régime applicable aux autres agents, pour autant qu’un État membre soit compétent à l’égard de ces infractions lorsqu’elles sont commises en dehors de son territoire »[16]. Ainsi, pour que le Parquet européen soit compétent, il faut que l’infraction en question ait été commise sur le territoire d’un ou de plusieurs Etats membres, et dans le cas où l’infraction ait été commise en dehors d’un Etat membre, le Parquet est compétent à condition que la personne ayant commis cette infraction était soumise au statut des fonctionnaires et que l’Etat en question dispose d’une compétence pour les infractions commises en dehors de son territoire[17].
Ensuite, le Parquet européen dispose d’une compétence personnelle, dite ratione personae. En effet, selon l’article 23 du règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017, le Parquet européen est compétent si une infraction a été commise « par un ressortissant d’un État membre, pour autant qu’un État membre soit compétent à l’égard de ces infractions lorsqu’elles sont commises en dehors de son territoire »[18].
Par ailleurs, l’exercice des compétences du Parquet européen est limité par le règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017. Premièrement, il existe un devoir d’information. En effet, selon l’article 24 du règlement précité, « les institutions, organes et organismes de l’Union et les autorités des États membres qui sont compétentes en vertu du droit national applicable signalent sans retard indu au Parquet européen tout comportement délictueux à l’égard duquel celui-ci pourrait exercer sa compétence »[19]. Il en va de même lorsqu’une juridiction d’un « Etat membre ouvre une enquête concernant une infraction pénale à l’égard de laquelle le Parquet européen pourrait exercer sa compétence »[20]. Ce devoir d’information à l’égard du Parquet européen consiste, selon l’article 23 du règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017, en une « description des faits, y compris une évaluation du préjudice causé ou susceptible d’être causé, la qualification juridique possible et toute information disponible sur les victimes potentielles, les suspects et toute autre personne impliquée »[21]. A la suite de cette communication, les informations transmises au Parquet européen sont vérifiées. Cette étape de vérification est indispensable puisque c’est seulement après celle-ci que le Parquet européen décidera ou non d’ouvrir une enquête.
De plus, pour exercer sa compétence, le Parquet européen peut ouvrir une enquête ou utiliser son droit d’évocation. Ces deux possibilités sont inscrites aux articles 26 et 27 de la directive précédemment citée. Par ailleurs, l’article 25 du même règlement dispose que les compétences nationales et celles du Parquet européen sont exclusives l’une de l’autre. Ainsi, si le Parquet européen exerce sa compétence, alors les autorités nationales s’abstiennent d’exercer la leur. En outre, le Parquet européen n’est en principe pas compétent lorsqu’une atteinte aux intérêts financiers de l’Union ne dépasse pas le montant de 10 000€.
Ainsi, du fait de ses larges compétences, de son réel pouvoir d’enquête et de conduite d’enquête, de sa décentralisation, de la coopération renforcée des Etats membres et de sa capacité à arrêter et juger les individus ayant commis des infractions en collaboration avec les Etats membres, le Parquet européen semble être le parfait garant des intérêts de l’Union qui manquait à celle-ci bien qu’il existait déjà des organismes dans ce domaine-là.
- Un Parquet européen indépendant des autorités nationales et des institutions européennes
- Une indépendance théorique
Premièrement, le considérant 16 du règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017 nous dit que le Parquet européen nécessite de « mettre en place des garde-fous institutionnels pour garantir son indépendance »[22]. Ainsi, pour garantir l’indépendance du Parquet européen, l’article 6 du règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017 dispose que le Parquet européen est indépendant. En effet, selon le même article, « Le chef du Parquet européen, ses adjoints, les procureurs européens, les procureurs européens délégués, le directeur administratif ainsi que le personnel du Parquet européen (…) agissent dans l’intérêt de l’Union dans son ensemble, au sens de la législation, et ne sollicitent ni n’acceptent d’instructions d’aucune personne extérieure au Parquet européen, d’aucun État membre de l’Union européenne, ou d’aucune institution, d’aucun organe ou organisme de l’Union ». Ainsi, les membres du Parquet européen bénéficient d’un statut d’indépendance dans la mesure où leurs actions sont indépendantes des Etats et des institutions de l’Union comme le Parlement européen, le Conseil ou encore la Commission.
De plus, l’article 6 du même règlement poursuit en disant que « Les États membres de l’Union européenne et les institutions, organes et organismes de l’Union respectent l’indépendance du Parquet européen et ne cherchent pas à l’influencer dans l’exercice de ses missions ». Ainsi, contrairement aux autres institutions et organes, la volonté d’influencer le Parquet européen est prohibée. On peut ainsi en déduire l’interdiction d’une forme de « lobbying » auprès du Parquet européen.
- L’obligation de rendre des comptes
Premièrement, il est notable que les procureurs européens sont liés à leur pouvoir exécutif national. Ainsi, il sera compliqué, pour eux, d’être réellement indépendant de tout autre pouvoir que celui du Parquet européen[23].
Ensuite, selon le règlement 2017/1939, le statut d’indépendance du Parquet européen n’est pas sans contrepartie. En effet, il se doit de rendre des comptes. Ainsi, le chef du Parquet européen fait part d’une « responsabilité institutionnelle globale au titre de ses générales devant le Parlement européen, le Conseil et la Commission ». Dès lors, chacune de ces institutions européennes peuvent saisir la Cour de Justice de l’Union afin de révoquer le chef du Parquet « si elle constate qu’il n’est plus en mesure d’exercer ses fonctions ou qu’il a commis une faute grave » (article 16 du règlement 2017/1939). De plus, le considérant 19 précise que le Parlement européen se doit de rédiger un rapport annuel sur les activités du Parquet. Ainsi, on comprend que le Parquet européen ne disposera pas d’un total statut d’indépendance car ses membres devront rendre des comptes devant les institutions européennes et qu’ils peuvent faire l’objet d’une révocation.
CONCLUSION
In fine, la création du Parquet européen a permis une avancée juridique considérable dans la construction communautaire. En effet, il peut permettre une protection beaucoup plus efficace des intérêts financiers de l’Union européenne. Le règlement l’instituant établit des règles qui peuvent, potentiellement, permettre à cette nouvelle entité d’agir efficacement, contrairement aux organismes comme l’OLAF, l’Europol ou encore l’Eurojust.
Alors, il serait intéressant d’étudier si, juridiquement, cette action commune de protection des intérêts financiers de l’Union peut être élargie à des infractions pénales concernant plusieurs Etats membres telles que le terrorisme.
Rayan Aissani & Clément Pauty
BIBLIOGRAPHIE
S. GUINCHARD, Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 2015, 23e édition, 1104 pages
Rapport spécial n° 24/2015 de la Cour des comptes « Lutte contre la fraude à la TVA intracommunautaire : des actions supplémentaires s’imposent » (2016/C89/10)
SITOGRAPHIE
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TABLE DES MATIERES
Introduction……………………………………………………………………………….…P.1
I. Une protection des intérêts financiers de l’Union déjà existante mais insuffisante……………………………………………………………………………………..…P.3
- La nécessaire création d’un Parquet européen pour pallier aux carences des organismes de protection des intérêts financiers de l’Union déjà existants…………P.3
1) L’existence de nombreux organismes de protection des intérêts financiers de l’Union….P.3
2) La nécessité de combler les lacunes importantes des organismes existants………………P.4
- L’unicité et la décentralisation : pierres angulaires de l’organisation du Parquet européen……………………………………………………………………………………P.5
1) Le Parquet européen : un organe centralisé…………………………………………………P.5
2) Le Parquet européen : un organe décentralisé……………………………………………P.6
- Le Parquet Européen : garant des intérêts financiers de l’Union…………..P.6
- Un parquet européen aux compétences matérielle, territoriale et personnelle……….P.7
1) Une compétence matérielle large mais limitée aux infractions transnationales…………..P.7
2) Une limitation des compétences ratione loci et ratione personae………………………..P.8
- Un Parquet européen indépendant des autorités nationales et des institutions européennes……………………………………………………………………………..P.10
1) Une indépendance théorique………………………………………………………………..P.10
2) L’obligation de rendre des comptes………………………………………………………P.10
Conclusion……………………………………………………………………………….…P.12
Bibliographie…………………………………….….………………………………….…..P.13
Table des matières……………………………………………………………………….…P.14
Notice…………………………………………………………………………………..…..P.16
[1]Site Internet Le Monde, http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/10/27/ne-creons-pas-un-parquet-qui-n-aurait-d-europeen-que-le-nom_5020983_3232.html, consulté le 14 mars
[2]Site Internet de la Commission Européenne, https://ec.europa.eu/home-affairs/sites/homeaffairs/files/e-library/documents/policies/organized-crime-and-human-trafficking/corruption/docs/acr_2014_fr.pdf, consulté le 14 mars
[3]Site internet Larousse, http://www.larousse.fr, consulté de 13 mars.
[4]Site internet EUR-Lex, http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A32017R1939, consulté le 13 mars.
[5]Site internet du Parlement Européen, http://www.europarl.europa.eu/ftu/pdf/fr/FTU_1.4.6.pdf, consulté de 13 mars.
[6]Site internet du Parlement Européen, http://www.europarl.europa.eu/ftu/pdf/fr/FTU_1.4.6.pdf, consulté de 13 mars.
[7]Site internet d’Eurojust, http://www.eurojust.europa.eu/Pages/languages/fr.aspx, consulté le 13 mars
[8]Site internet Toute l’Europe, https://www.touteleurope.eu/actualite/qu-est-ce-que-le-parquet-europeen.html, consulté le 13 mars
[9]Site internet Toute l’Europe, https://www.touteleurope.eu/actualite/qu-est-ce-que-le-parquet-europeen.html, consulté le 13 mars
[10]Site internet Toute l’Europe, https://www.touteleurope.eu/actualite/qu-est-ce-que-le-parquet-europeen.html, consulté le 13 mars
[11]Site internet Toute l’Europe, https://www.touteleurope.eu/actualite/qu-est-ce-que-le-parquet-europeen.html, consulté le 13 mars
[12]Rapport spécial n° 24/2015 de la Cour des comptes « Lutte contre la fraude à la TVA intracommunautaire : des actions supplémentaires s’imposent » (2016/C89/10)
[13]Site internet EUR-Lex, http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A32017R1939, consulté le 13 mars.
[14] S. GUINCHARD, Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 2015, 23e édition, p.222
[15]Site internet EUR-Lex, http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A32017R1939, consulté le 13 mars.
[16]Site internet EUR-Lex, http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A32017R1939, consulté le 13 mars.
[17]Site internet EUR-Lex, http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A32017R1939, consulté le 13 mars.
[18]Site internet EUR-Lex, http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A32017R1939, consulté le 13 mars.
[19]Site internet EUR-Lex, http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A32017R1939, consulté le 13 mars.
[20]Site internet EUR-Lex, http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A32017R1939, consulté le 13 mars.
[21]Site internet EUR-Lex, http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A32017R1939, consulté le 13 mars.
[22] Site internet EUR-Lex, http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A32017R1939, consulté le 13 mars.
[23]Site internet Dalloz, https://www.dalloz-actualite.fr/flash/precisions-sur-nouveau-parquet-europeen#.WqO8amZeifQ, consulté de 15 mars.
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