Après l’éclat de la crise entre les trois frères du Golfe ( Qatar, Emirats Arabes Unis, Arabie Saoudite ), l’échiquier diplomatique du Moyen-Orient est devenu source de doute, calculs et stratégies de la part des acteurs internationaux.
Et il s’agit de cette ambivalence régnante que démontre notamment Paris depuis que la crise a commencé il y a de cela un peu plus de 100 jours.
Une neutralité objective, mise à disposition d’une équidistance supposée entre les supports du boycott anti-qataris ( Arabie Saoudite, Emirats Arabes Unis, Egypte, Bahreïn, Tchad ) et l’Etat du Qatar lui-même, maître d’un empire économique aux bases bien ancrées sur les sols occidentaux.
Lors de la visite de l’émir du Qatar cheikh Tamim Al Thani à l’Elysée ce 15 septembre, Paris a pour la première fois fait figure d’engagement dans cette crise, qui provoque des relents déstabilisateurs et probablement dangereux dans la région concernée. Le Président de la République a ainsi démontré son soutien à une levée d’embargo en faveur de l’Etat visiteur.
Quels en sont les enjeux ?
Autrefois unis par l’idéologie wahhabiste, la famille Saoud entretenait de bonnes relations avec la famille régnante du nouvel émirat, indépendant depuis 1971. Les années 1990 marquent la sortie du Qatar de l’influence tutélaire saoudienne.
L’Arabie Saoudite et ses soutiens condamnent et dénoncent les financements supposés du voisin à des organisations terroristes.
Sans épiloguer nous pouvons nous questionner sur les motivations réelles et les intérêts possibles d’un tel embargo à l’encontre des qataris.
On ne peut s’empêcher de penser aux rapprochements évidents que le Qatar a mis en avant avec l’Iran et la Turquie. Le choléra chiite et la peste sunnite alternative autrement dit. Si ces agissements paraissent plus ou moins stratégiques et animés d’un souverainisme se voulant régional, il n’en est pas moins flagrant de voir à quel point le caractère religieux a encore son empreinte sur les relations diplomatiques de ces pays.
L’Arabie Saoudite a toujours fait preuve d’impérialisme dans la région, et sa volonté de leadership se fait peu à peu brider par les élans financiers du Qatar. Politiquement les alliances de ce dernier rompt avec la tradition sunnite conservatrice imposée par les saoudiens d’où les sanctions économiques.
Ceci expliquant cela l’on demeure un peu plus clairvoyant quant à l’analyse que l’on pourrait porter à l’égard d’Emmanuel Macron ce 15 septembre : « l’Emir ayant présenté les efforts du Qatar en la matière, le Président de la République a rappelé la détermination totale de la France à lutter contre le terrorisme et son financement et la nécessité de renforcer tous les dispositifs nationaux, régionaux et internationaux à cette fin ».

Clairement, après le soutien affiché en faveur d’une levée d’embargo au bénéfice du Qatar, l’Etat français applique en demi-teinte les arguments saoudiens. S’efforçant de ne froisser aucune de ses relations, la France a tout de même envoyé un émissaire dans le cadre de la médiation koweïtienne de cette crise
La problématique réside surtout dans nos intérêts à défendre des positions qui ne sont pas les nôtres. De quel côté être autrement dit.
A première vue l’Arabie Saoudite dénonce et sanctionne le Qatar au nom de la bonne morale, mais qu’en est-il de la réalité et des conséquences éventuelles de tels clivages ?
L’importance d’une résolution politique à cette crise est majeure, il en va de la bonne continuation des efforts coalitionnaires en Syrie mais aussi au Yémen.
Il ne manque pour ainsi dire que le mot d’un acteur décisif : les Etats-Unis.
L’administration Trump peine effectivement à ressortir des travers manichéens de son président et la seule position envisagée reste la neutralité. Elle permet ainsi à Washington de prendre le temps de réfléchir à la conservation de ses intérêts dans la région sans prise de partie.
La 72ème session de l’Assemblée Générale des Nations Unies permettra peut-être d’afficher de nouvelles opportunités de sortie de crise.
Mohamed-Amine Khamassi
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